MeDamien Jost, avocat au barreau de Paris. Le cabinet Damien Jost est spécialisé dans le domaine de l’immobilier. L’avocat est aussi un fin connaisseur du diagnostic immobilier, profession qu’il défend et accompagne depuis plus d’une quinzaine d’années. Nombreux sont les diagnostiqueurs qui, au moins une fois dans leur parcours professionnel, seront confrontés à un grand moment de solitude à cause d’un « agent biologique de dégradation du bois » (termite, capricorne, etc.). La situation est la suivante : plusieurs années après le diagnostic, un homme de loi apporte au diagnostiqueur une convocation devant le tribunal. Pour quelle raison ? Un acquéreur dit avoir découvert une infestation dans la maison récemment achetée. Or le diagnostic n’en disait mot. Problème : le diagnostiqueur a-t-il gardé la preuve des recherches menées sur le terrain ? Difficulté insoluble diront les uns, tandis que d’autres se lamenteront en dénonçant une contrainte excessive (voire un complot médiatico-judiciaire). Le pire, c’est que sur le terrain, lors du « retour sur site » qui généralement sera organisé par l’expert judiciaire, il sera impossible de retrouver la trace du poinçonnage censé avoir été effectué quelques années plus tôt. Les assureurs, comme les avocats spécialisés, savent combien une telle situation est fréquente. Chaque année, ce sont probablement des sommes importantes qui sont dépensées pour indemniser les sinistres causés par le « 0 poinçonnage » (à tout le moins, par le « 0 poinçonnage apparent » !). ZÉRO POINÇONNAGE = CONDAMNATION QUASI SYSTÉMATIQUE Face au juge, il sera très difficile de convaincre de la qualité du diagnostic si (presque) aucune trace de poinçonnage n’a été retrouvée sur site. Aussi, une telle situation aboutira presque systématiquement à la condamnation du diagnostiqueur, à qui sera probablement reproché un travail insuffisant si infestation il y a (et, naturellement, si celle-ci a détérioré le bien). Ce qui n’exclut pas que d’autres responsabilités puissent rester engagées (vendeur, entreprise de traitement, etc.). Examinons un récent jugement (désormais définitif) relatif aux termites : > “L’expert judiciaire précise que le diagnostiqueur doit observer une méthodologie rigoureuse pour la recherche des termites consistant à procéder à un examen visuel des parties visibles et accessibles et à un sondage mécanique des bois visibles et accessibles conformément à la norme. […] Pourtant, il affirme, suite à ses investigations, une absence totale de traces de sondage sur les éléments bois du bâti, les plinthes, huisseries, cimaises étant vierges de tout impact de sondage, ce qui n’a d’ailleurs pas été contesté par le diagnostiqueur lors des opérations d’expertises. Il conclut que la faute du diagnostiqueur qui n’a pas respecté la norme et les règles de l’art est “grave et lourde de conséquence”. Dans un tel contexte, peu importe, selon le juge, que le diagnostiqueur ait identifié quelques indices d’infestation ou qu’il ait préconisé un traitement anti-termites : > […] la simple mention “de la présence d’indice d’infestation de termites le jour de la visite” avec une invitation pour les vendeurs à faire réaliser un traitement anti-termites est manifestement insuffisant au regard de l’ampleur de l’infestation constatée par l’expert, et ce d’autant plus qu’elle a clairement indiqué dans son rapport l’absence d’indice de présence de termite dans la plupart des pièces de l’habitation. En effet, en ne poinçonnant pas assez (tel est parfois, hélas, le cas en apparence), le diagnostiqueur risque de passer à côté de l’infestation, ou de la minimiser fortement, ce qui peut impacter la décision d’achat du futur acquéreur. Précision importante : il s’agissait d’une maison composée de plus de 20 pièces. A retenir : ni le fait d’avoir repéré quelques indices ni le fait d’avoir recommandé un traitement anti-termite n’ont suffi, ici, à dédouaner le diagnostiqueur. CLAUSE SALVATRICE Par chance, celui-ci ne fut pas le seul à être reconnu fautif. Son diagnostic avait révélé quelques indices de termites, si bien qu’un traitement fut effectué entre la promesse de vente et l’acte définitif. Ce traitement s’est avéré totalement inadapté (seuls furent traités les points d’attaque repérés par le diagnostiqueur), si bien que son auteur a été condamné à assumer 50% des indemnités. Quoi qu’il en soit, l’on ne saurait trop rappeler au diagnostiqueur : * qu’il est essentiel de poinçonner de façon systématique et régulière (peu importe que le donneur d’ordre regimbe ; ce n’est pas à lui de décider de la méthodologie du diagnostic !), * qu’il est essentiel de poinçonner dans des points difficiles d’accès (ex. dormant de fenêtre), où il est peu probable que l’on vienne ensuite enduire et repeindre les traces de poinçonnage. Bonne nouvelle : dans certains cas, le manque de poinçonnage pourra être compensé par la qualité de l’acte notarié (aussi étonnant que cela paraisse). Un récent litige (1) illustre cette situation : l’acquéreur avait persisté dans l’achat malgré la mise en garde du notaire sur les risques d’un diagnostic parasitaire « incomplet » (parties non examinées, etc.). Résultat : mise hors de cause du diagnostiqueur (grâce au notaire). Voici la clause « salvatrice » rédigée par le notaire (grâce à un rapport « diag » bien rédigé) : > L’acquéreur déclare: * avoir une parfaite connaissance du contenu de l’état parasitaire sus-énoncé et vouloir faire son affaire personnelle, sans recours contre quiconque, * avoir dispensé le vendeur d’effectuer toutes investigations complémentaires et tous sondages destructifs complémentaires au sujet de la recherche de parasites ou champignons des bois, * requérir expressément en toute connaissance de cause, le notaire soussigné de régulariser la présente vente en l’état, connaissance prise des conclusions du rapport ci-joint et annexé aux présentes, L’acquéreur déclare en outre que Maître [P], notaire soussigné, a attiré spécialement son attention, pour les parties du bâtiment non visitées ou non examinées sur la portée de la clause. Où l’on voit qu’en matière parasitaire, la sécurité du professionnel est une affaire d’équipe (diagnostiqueur, négociateur, notaire), voire de cordée… Ici, le diagnostiqueur a su expliquer, clairement, que certaines parties demeuraient non examinées, de sorte que des « investigations complémentaires » (formule à retenir) demeuraient nécessaires (sachant que des indices d’infestation ont été repérés). Ce qui a permis au notaire de rédiger un acte qui a protégé l’opérateur, en dépit d’un diagnostic jugé insuffisant ; petit rappel du juge concernant les moquettes : > La norme indique que le diagnostiqueur doit notamment procéder à un examen des sols (plancher, parquet, etc.), murs et plafonds, après dépose partielle des revêtements non fixé (plastiques ou moquettes) à chaque fois que cela est possible. Tel est le cas en l’espèce puisque l’expert judiciaire a indiqué sans être contredit, que les moquettes du premier étage (chambre 1 et 2) et des combles (chambre 3) pouvaient facilement être soulevées afin de vérifier l’état des planchers en dessous, en l’absence de traces de colle ou de clous suggérant que celle-ci auraient été fixées au sol. Clarifier (et simplifier) le rapport de diagnostic est souvent un investissement utile. (1) Cour d’appel de Rennes, 28 mai 2024, RG n° 21/03414