Le sujet est lancinant, toujours au cœur d’âpres discussions. Mathieu Darnaud, chef de file des Républicains au Sénat, a adressé un courrier au Premier ministre pour revoir à la baisse le coefficient d’énergie primaire (Cep) de l’électricité utilisé dans la méthode DPE. Ce qui aurait pour effet immédiat d’améliorer les performances énergétiques des logements chauffés aujourd’hui à l’électricité. Sans aucuns travaux. Le sujet est technique, il touche à l’algorithme de la méthode 3CL-DPE, et à son fameux coefficient d’énergie primaire (Cep). Ce coefficient est utilisé pour convertir l’énergie finale (l’énergie consommée par l’usager) en énergie primaire (l’énergie présente dans la nature). A ce petit jeu, l’électricité avec un CEP de 2,3 apparaît nettement désavantagée. 1 kWh en énergie finale équivaut à 2,3 kWh en énergie primaire pour l’électricité, quand 1 kWh d’énergie finale = 1 kWh d’énergie primaire pour le gaz. Résultat des courses, puisque l’étiquette DPE se base sur l’énergie primaire, un logement chauffé à l’électricité sera moins bien classé qu’un logement aux mêmes caractéristiques mais chauffé au gaz. TOUJOURS D’ACTUALITÉ Le coefficient a déjà été abaissé en 2021 lors de la refonte du DPE, passant de 2,58 à 2,3. Encore trop haut, estime le sénateur Mathieu Darnaud qui a adressé un courrier à Matignon la semaine passée. Selon le chef de file des Républicains au Sénat, le DPE serait devenu « une arme d’exclusion massive des logements énergivores ». L’argument maintes fois entendu est resservi le coefficient pénalisant pour les logements chauffés à l’électricité, face aux autres énergies. «La personne qui a une ancienne chaudière au fioul ou au gaz aura un meilleur DPE que le propriétaire d’un deux pièces qui se chauffe avec des radiateurs électriques», selon la missive transmise à Matignon. Le sénateur n’est pas le premier -et sans doute pas le dernier- à réclamer une révision du Cep. L’ex-ministre de l’Economie Bruno Le Maire avait déjà exprimé son souhait de corriger ce coefficient en 2024. Quelques mois plus tard, l’éphémère Premier ministre Michel Barnier avait repris le flambeau annonçant son abaissement, mais son gouvernement renversé quelques semaines plus tard, la réforme est restée en jachère. La révision du Cep n’est pas enterrée pour autant. L’actuel gouvernement y songe toujours, un Cep à 1,9 permettrait de s’aligner sur une recommandation européenne. Après tout, 92% de l’électricité produite en France est aujourd’hui décarbonée. PETITE RÉFORME AUX GROS EFFETS Cette petite évolution purement technique dans le DPE n’a pourtant rien d’anodin. Au contraire même, les retombées d’une telle réforme paraissent difficiles à mesurer. Selon les statistiques officielles du ministère de la Transition écologique un tiers des logements (32,1%) est aujourd’hui chauffé à l’électricité et si on ajoute ceux équipés d’une pompe à chaleur (5,1%), l’électricité est devenue la première énergie de chauffage en France, devant le gaz. Mécaniquement, sans débourser un seul centime de travaux, un grand nombre de logements chauffés au tout-électrique verraient donc leur classement énergétique évoluer par la simple évolution de ce coefficient. En clair, la France risque du jour au lendemain de se retrouver avec beaucoup moins de passoires énergétiques, ce qui aurait l’avantage immédiat de desserrer un peu le calendrier de la rénovation mal pensé au départ sans pour autant donner le sentiment de reculer. Moins de passoires, sans aucuns travaux, le commun des mortels risque de ne plus rien y comprendre. Et par ricochet, c’est le DPE qui risque à nouveau d’être fragilisé et décrédibilisé, avec derrière tout l’édifice de la rénovation énergétique déjà sérieusement déstabilisé après une cascade d’annonces au cours des derniers mois. « Ce changement brutal accentuerait encore la crise que traverse le secteur du bâtiment et s’ajouterait à une série de réformes et de revirements récents qui entretiennent l’attentisme des ménages, pénalisent les dynamiques de rénovation et freinent les investissements nécessaires », met en garde l’association Coénove