La Revue de Presse du diagnostic immobilier

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DPE: le grand quiproquo

29/8/2025

MeDamien Jost, avocat au barreau de Paris. Le cabinet Damien Jost est spécialisé dans le domaine de l’immobilier. L’avocat est aussi un fin connaisseur du diagnostic immobilier, profession qu’il défend et accompagne depuis plus d’une quinzaine d’années. Côté grand public (et professionnels de l’immobilier), le DPE c’est un peu comme un bulletin de fin d’année : un classement qui fige le profil thermique du bien. Côté technicien, c’est tout autre chose : un ensemble de données d’entrée, injectées dans un logiciel qui, tel un ordinateur savant (ou un alambic d’un nouveau genre), moulinera les chiffres pour en extraire une « étiquette ». Et si, au final, l’étiquette ne colle pas à la réalité thermique, malheur au diagnostiqueur que l’on aura vite catalogué comme un amateur ou un incompétent, qui n’aura pas su, à en croire les propos parfois entendus lors des expertises « post-sinistre », deviner toutes les caractéristiques du bien, jusqu’aux plus secrètes, telle l’isolation des murs (planchers et/ou plafonds). Depuis juillet 2021, le DPE n’est-il pas devenu un instrument d’une fiabilité sans égale ? Assurément, si l’on en croit les commentaires diffusés ici et là. Autre croyance funeste (cette fois-ci de la part du technicien) : le DPE, parce qu’il est enfermé dans un rapport dont la forme est imposée par la réglementation, ne peut que protéger son auteur (telle une cape magique). De tels préjugés ne peuvent que mener à l’aggravation de la sinistralité (sachant qu’en 2024 le DPE est arrivé, pour la première fois, en tête du « hit-parade »). S’il n’est évidemment pas concevable de faire machine arrière, des précautions minimales – mais essentielles – pourraient sans doute renforcer la sécurité de l’opérateur. face à un mur dont il est impossible de déterminer, avec certitude, s’il est isolé, et, dans l’affirmative, si l’isolant est homogène et uniformément réparti, l’opérateur, si aucun justificatif ne lui est présenté, sera placé devant l’alternative suivante : * soit vérifier ce qui se trouve dans le mur, s’il existe un moyen quelconque d’accéder à l’intérieur de celui-ci (prise électrique, etc.), ce qui, selon le guide CEREMA, relève déjà d’une « investigation approfondie»; * soit saisir l’année de construction1, ce qui amènera le logiciel à retenir une « valeur par défaut » (souvent moins favorable que le constat visuel, en termes de classement du bien), c’est-à-dire à présumer l’existence d’un isolant de telle épaisseur, et ce, en fonction de la réglementation thermique qui était en vigueur lors de la construction (voire de la rénovation). UNE EFFORT DE VULGARISATION NÉCESSAIRE Mais, dans un cas comme dans l’autre, les données qui seront finalement prises en compte par le « moteur de calcul » ne seront que des hypothèses (en effet, même s’il a été possible d’apercevoir l’isolant en un point unique – par exemple via une prise électrique – comment être sûr de l’homogénéité et de la répartition de cet isolant ?). Un fragment d’isolant aperçu à côté du disjoncteur ne peut démontrer que la totalité du mur est isolée. Bref, le DPE se nourrit autant d’éléments concrets que d’appréciation individuelle. La prudence voudrait que cette situation puisse être expliquée clairement au lecteur du DPE ; à défaut, celui-ci risque d’être lu comme un « certificat thermique », qu’il n’est évidemment pas (et ne pourra jamais être, sauf à accepter les sondages destructifs). Souligner que l’étiquette calculée par le logiciel repose sur des hypothèses, elles- mêmes appuyées sur des indices matériels ou sur des valeurs par défaut, éviterait probablement bien des malentendus. Cet effort de vulgarisation semble hélas totalement absent du guide CEREMA, dont, par exemple, les rédacteurs paraissent avoir oublié que le verbe « considérer » n’est pas synonyme de « garantir ». En effet, voici comment ce guide explique (cf. p. 61) la marche à suivre quand l’isolation demeure inconnue : > > Si l’état d’isolation d’une paroi est inconnu (on ne distingue pas si le mur est ou non isolé), prendre par défaut: * Pour les bâtiments d’avant 1975, la paroi est considérée comme non isolée; * Pour les bâtiments construits à partir de 1975: * Les murs sont considérés comme isolés par l’intérieur; * Les plafonds sont considérés isolés par l’extérieur; * Les planchers sur terre-plein sont considérés non isolés avant 2001 et isolés par l’extérieur (en sous-face) à partir de 2001; * Les autres planchers sont considérés isolés par l’extérieur. C’est donc au diagnostiqueur d’utiliser sa plume (avec l’aide du développeur de logiciel, voire de l’avocat prêt à s’impliquer dans la prévention des sinistres) pour mieux expliquer comment est calculée l’étiquette fatidique (et, surtout, souligner que l’analyse de la situation thermique repose, en partie, sur des suppositions). L’ÉTIQUETTE LUE COMME UNE DONNÉE ABSOLUE A défaut, cette étiquette (surtout celle qui concerne l’énergie) sera lue comme une donnée absolue, telle la température ambiante à un instant donné. Sans précautions écrites suffisantes, qui, pour l’heure, ne sont guère en usage, nul doute que le diagnostiqueur se transformera, à son insu, en un fusible bien appétissant ; il suffit de lire certains actes notariés au chapitre DPE pour s’en convaincre. En cas d’écart entre l’estimation et le réel, le propriétaire est invité (par le notaire) à se retourner directement contre le diagnostiqueur (le notaire paraissant ainsi oublier qu’il est tenu, lui aussi, d’un devoir de conseil, y compris s’agissant d’un DPE désormais « opposable » au vendeur) : > > Un diagnostic établi par le cabinet X le 28 mai 2021, est annexé. Les conclusions sont les suivantes: * Consommation énergétique : 179 kWhep/m².an * Emissions de gaz à effet de serre : 6 kg éqCO2/m².an Toute erreur ou manquement dans ce diagnostic pourra être relevé et la responsabilité du propriétaire (promettant) pourra être engagée. Par suite, si les estimations du diagnostic ne correspondent pas aux montants des factures énergétiques réellement payées, le propriétaire (promettant) pourra se retourner vers l’entreprise ayant réalisé le diagnostic de performance énergétique et la mettre en cause. A bon rédacteur, salut! 1 A la condition, toutefois, de pouvoir déterminer celle-ci, même si le guide Cerema énonce (cf. P.45) que l’année de construction peut être « estimée […] en l’absence de justificatif », choix fort hasardeux pour le diagnostiqueur (donc autre source de risques pour lui !).

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