L’évolution du DPE au 1er janvier 2026 part sans doute d’un bon sentiment. Officiellement, la modification du CEP (coefficient d’énergie primaire) dans la méthode doit corriger une inégalité de traitement pénalisant une électricité pourtant largement décarbonée. Mais le changement d’étiquette pour plusieurs millions de logements, en particulier pour les passoires énergétiques, risque de semer la zizanie. Quand on change les règles en cours de jeu… QUAND DES PASSOIRES G NON GRATA REDEVIENNENT LOUABLES Le message était clair à l’origine: G au 1er janvier 2025 = interdiction de location. Problème ce même logement, sans effectuer de travaux, a des chances (de fortes chances même s’il est chauffé à l’électricité) de basculer dans une classe plus généreuse un an plus tard. Et par ricochet, de redevenir… louable. Un député a déjà interpellé le gouvernement à ce sujet« pour connaître le dispositif d’indemnisation en faveur des propriétaires qui auront été privés de leurs revenus locatifs sur la période du 1er janvier 2025 au 1er janvier 2026 ». QUAND DES LOGEMENTS ONT ÉTÉ VENDUS AVEC UNE DÉCOTE Même député, autre question surgie cette semaine Quid des propriétaires qui ont parfois dû se couper un bras en vendant leur passoire énergétique il y a un an ou deux ans? Effectivement, un logement F ou G subit une décote. La valeur verte n’est plus à démontrer, les études des notaires année après année un écart qui se creuse depuis l’avènement de la loi Climat et résilience. Forcément, avec une étiquette plus généreuse, ces propriétaires auraient peut-être tiré un meilleur prix de leur bien. Le même député interpelle donc le ministère sur un éventuel « dispositif d’indemnisation en faveur des propriétaires qui auront subi cette décote liée aux aléas normatifs ». QUAND LES LOYERS ONT ÉTÉ GELÉS Pas sûr que tous les locataires apprécient cette évolution de la réglementation. Depuis 2023, les loyers des passoires classées F et G sont théoriquement gelés pour les nouveaux baux/renouvellements de baux. La mesure était censée encourager les bailleurs à réaliser des travaux de rénovation énergétique. Que se passera-t-il à partir du 1er janvier 2026 lorsque le logement hérite d’une étiquette plus avantageuse qu’un F ou G grâce à l’évolution du DPE ? Le ministère a déjà estimé que 850.000 logements aujourd’hui classés comme passoires sortiraient de la zone rouge. Le locataire n’aura pas gagné en confort mais son loyer pourra à nouveau être augmenté. QUAND LE VENDEUR DOIT RÉALISER UN AUDIT Pas de vente sans audit énergétique lorsque le bien (en monopropriété) est classé E, F ou G. Le propriétaire peut bien y rechigner parce que la prestation a un coût, mais c’est la loi. Pour le propriétaire d’une maison en E actuellement, cette période transitoire tourne au casse-tête : aujourd’hui, on risque peut-être de lui demander un audit qui ne sera pourtant plus exigé au moment de signer la vente dans quelques mois puisque le bien aura peut-être basculé en D. D’ailleurs, dans certaines annonces immobilières, on voit déjà apparaitre la mention de la classe à partir de janvier. QUAND LES MÉNAGES ONT SOLLICITÉ DES AIDES Certaines aides ou l’éco-PTZ sont aussi conditionnées par l’étiquette énergétique. Si la nouvelle mouture de MaPrimeRénov’ supprime le bonus de sortie de passoires, le montant de subvention reste cependant établi en fonction du nombre de sauts de classes. Jusqu’à 30.000 euros d’aides pour un gain de deux classes énergétiques, 40.000 euros pour trois classes ou plus pour une rénovation d’ampleur. Pour le coup, le ministère anticipé. En juillet, il indiquait que « pour tous les dispositifs, dont MaPrimeRénov’, le demandeur sera responsable de choisir le document qu’il dépose (calculé avec l’ancien ou le nouveau coefficient, ou avec attestation). » MORALITÉ, UN DPE ENCORE DÉCRÉDIBILISÉ Dans cette histoire, l’évolution du CEP part sans doute d’un bon sentiment, mais le grand perdant est peut-être le DPE. Alors que la filière s’est engagée à marche forcée sur la voie de la professionnalisation, alors que le gouvernement a déployé un plan d’actions pour restaurer la confiance dans ce diagnostic, l’évolution du CEP vient jeter le trouble dans les esprits. Quel crédit donner à un outil qui d’une année sur l’autre évolue, et modifie les classes énergétiques ? Simple exemple, prenons le propriétaire d’un studio tout électrique. Classé en G début 2024, il a déjà bénéficié de la réforme sur les petites surfaces, et il bénéficiera encore de la réforme du CEP. De sorte que son logement naguère étiqueté d’un G peut fort bien se retrouver en E aujourd’hui. Et sans avoir réalisé les moindres travaux.